La Critique
Le jeudi 20 octobre 2011, le journal 24 heures publiait en courrier des lecteurs (page 26) une lettre signée de "P. Santschi, ancien député au grand conseil et ancien directeur du centre de calcul de l'EPFL". M. Santschi y évoque un système de vote électronique développé au sein du canton de Genève, et mentionne l'absence de garantie cryptographique du secret de vote. Il fait également référence a l'affaire des chevaux de troie utilisés sans cadre légal précis par la police pour traquer la criminalité en ligne. Il évoque, mais sans les préciser, les dangers posés par la combinaison de ces deux technologies.
Ces dangers méritent un éclaircissement. L'opposition à l'utilisation des chevaux de troie ne se justifie pas, comme certains voudraient le faire croire, par un désir de préserver la vie privée. Elle provient d'une part de l'absence d'un cadre légal clair qui devrait être de mise, comme il en est pour les autres prérogatives des services de police; et d'autre de considérations purement techniques liés a la qualité douteuse des logiciels utilisés.
Il a en effet été révélé que le cheval de troie utilisé par la police allemande, insuffisamment sécurisé, laissait les ordinateurs ouverts a l'abus de tous. Imaginez qu'un enquêteur de police, plutôt que de procéder a la fouille du domicile d'un suspect, fracture systématiquement toutes les serrures et les laisse en l'état, pour faciliter les fouilles ultérieures. Imaginez qu'un cambrioleur en profite pour entrer dans ce domicile, y voler tous les objets de valeur, et y cacher son stock de drogue. Y voyez-vous un problème ?
L'observation de M. Santschi soulève donc un problème intéressant et souligne l'importance de la création de bases légales claires, et d'une assurance sur la qualité des outils utilisés par les enquêteurs.
La remarque concernant le non respect du secret de vote est un problème à part, et qui mériterait un article en lui-même.
Les Réponse
Suite à cette lettre, le 24 heures publie, le 31 octobre 2011, toujours dans son courrier des lecteurs (page 27) trois réponses à la lettre de M. Santschi.
Le site de 24 heures ne répond pas, mais les réponses sont encore dans le cache de google:
http://webcache.googleusercontent.com/search?q=cache:KoOBKA6nVsoJ:archives.24heures.ch/VQ/LAUSANNE/-/article-2011-10-3706/a-propos-de-la-lettre-de-lecteur-de-m+claude+bonard+ours+vaudois&hl=fr&client=firefox-a&gl=ch&strip=1
La première, signée Sonia Lardi, de Genthod, titrée "Difficile de le prendre au sérieux", rejette la critique de M. Santschi sur l'absence de secret de vote. A juste titre, Mme Lardi rappelle que les méthodes de vote papier dépendent aussi de la confiance envers l'administration, et qu'il n'y a pas lieu de critiquer un vote électronique qui offre une sécurité aussi bonne que le vote traditionnel.
Cet argument est incomplet, car il ne prend en considération que le risque d'une action malveillante de la part d'un agent de l'administration, sans considérer la portée de ce risque. Or en gestion du risque, il est nécessaire de quantifier ces deux aspects. La portée d'une action malveillante est beaucoup plus grande avec le vote électronique: si des scrutateurs entrent en collusion pendant le dépouillement pour modifier le compte des bulletins, ils pourront au pire falsifier les résultats d'une circonscription, sans compter le risque d'une recompte. Un informaticien malveillant ayant le contrôle total du système pourra, lui, aisément altérer le vote entier. Il est donc faux de comparer ainsi la sécurité du vote électronique et du vote traditionnel: il est normal d'exiger d'un vote électronique, dont les conséquences sont beaucoup plus graves en cas de faille, une réduction du risque d'attaque, tout comme on doit soumettre (en théorie) les centrales nucléaires à des controles techniques plus stricts que ceux d'une chaudière individuelle.
Si Mme Lardi se fourvoie dans son raisonnement, elle a au moins le mérite d'apporter un argument concret a l'encontre de la lettre de M. Santschi. Ce n'est pas le cas des deux suivants.
La deuxième lettre est signée Claude Bonard, de Vernier. Celle-ci met les griefs de M. Santschi envers le système de vote genevois sur le compte d'une rivalité entre cantons, sans plus argumenter.
La troisième, signée Michel Chevallier, de Mies, intitulé "Quelle bêtise !", reproche à M. Santschi de décrédibiliser l'EPFL et le Conseil National en signant de ces titres ce que M. Chevallier considère comme, je cite, "une ânerie pareille", là encore sans argumenter,.
Les Coïncidences
Cette troisième lettre m'a interpellé parce que le nom de son auteur ne m'est pas inconnu. En effet, l'article du Flash Informatique de Juin 2011 (http://flashinformatique.epfl.ch/spip.php?article2314) qui décrit l'architecture du système de vote genevois, est signé du même nom. Coïncidence ?
(Au passage, mon avis personnel, en tant qu'ingénieur diplômé EPF et candidat doctoral en cryptographie, est que ce design présente plusieurs erreurs grossières: transmission de la partie privée d'une clef asymétrique sur le réseau, création d'une table pour inverser un hash, utilisation redondante de chiffrement, et mixage inopérant) Espérons que les schémas présentés soient faux et ne soient pas le reflet du fonctionnement actuel du système.)
Une recherche sur internet nous apprend qu'une Mme Sonia Lardi a travaillé auprès de la Chancellerie d'Etat. On apprend également qu'un Claude Bonard aurait occupé le poste de secrétaire général de la Chancellerie d'Etat de 2000 à 2010.
Coïncidences ?
jeudi 17 novembre 2011
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